Imagerie radar et positionnement GPS pour le suivi de réservoirs souterrains

19 juin 2018 par Stéphanie Robert
Eric Henrion, 27 ans, a débuté sa thèse en 2017 sur le suivi de réservoirs souterrains (géothermiques et de stockage de gaz naturel) par géodésie spatiale, en partenariat avec deux industriels, ÉS Géothermie et Storengy. Il met au point une méthodologie pour optimiser la combinaison de deux techniques, l’interférométrie radar et le positionnement GPS, afin de suivre les déformations de surface à l’aplomb des réservoirs.

Entretien avec Eric Henrion, doctorant à l’IPGS (Institut de physique du globe de Strasbourg)

Quel a été votre parcours avant la thèse ?
Après mon BTS de géomètre-topographe à Nancy, j’ai intégré la formation d’ingénieur de l’École Supérieure des Géomètres et Topographes au Mans. J’ai réalisé mon stage de fin d’études à l’EOST en 2013 sur des calculs de positionnement GPS haute-fréquence appliqués à l’étude de séismes. J’ai enchaîné avec un CDD, toujours sur le traitement de données GPS de réseaux permanents situés dans le Fossé Rhénan, avec publication des résultats sur le site de l’EOST. Ce travail m’a amené à commencer une thèse en janvier 2017, sous la direction de Frédéric Masson. Votre thèse porte sur le suivi géodésique de réservoirs souterrains.

Pouvez-vous nous expliquer les enjeux et l’objectif ?
Ma thèse est cofinancée par Storengy et ÉS Géothermie et se fait en partenariat avec le Labex G-eau-thermie Profonde. L’objectif est le suivi des déformations de surface à l’aplomb de réservoirs souterrains : ceux de Soultz-sous-Forêts et Rittershoffen, exploités par ÉS en géothermie profonde, et ceux de stockage de gaz naturel en cavités salines à Tersanne et Hauterives dans la Drôme qui appartiennent à Storengy. Cette étude résulte d’une obligation légale des industriels de remettre un rapport de suivi à la DREAL .
L’objectif est de mettre au point une méthodologie pour tirer le meilleur des données géodésiques spatiales, obtenues par deux méthodes de positionnement complémentaires : l’interférométrie radar (InSAR) et le GPS. Les deux industriels ont chacun leurs attentes. ÉS Géothermie désire un suivi en temps réel de ses sites. L’objectif de l’optimisation est de trouver un compromis entre rapidité de calcul et précision des résultats, afin de pouvoir être réactif en cas de problème.
Concernant les réservoirs de gaz, Storengy souhaite une quantification précise des mouvements de surface et des erreurs associées. Depuis les années 80, les réservoirs étaient suivis par mesures terrestres de nivellement qui présentaient plusieurs contraintes (campagnes de mesures réalisées tous les 3 ans, personnels de l’IGN mandatés présents sur le site d’exploitation, coût). La géodésie spatiale permet de s’affranchir de ces contraintes.

Pourquoi ces deux méthodes sont-elles complémentaires ?
Le positionnement GPS donne une meilleure couverture temporelle : nous obtenons une mesure par jour depuis l’installation des stations sur les réservoirs. L’imagerie radar donne une meilleure couverture spatiale, mais elle est dépendante du passage du satellite au-dessus du réservoir dont le délai peut varier de 6 à 35 jours selon le satellite.Par ailleurs, l’InSAR quantifie mieux les mouvements verticaux, et le GPS, les mouvements horizontaux. Concernant  l’interférométrie radar, l’Agence spatiale européenne (ESA) a lancé en 2014 et 2016 deux satellites, Sentinel-1a et b, qui parcourent la Terre à 6 jours d’intervalle. Depuis avril 2016, nous pouvons donc avoir une mesure tous les 6 jours avec des images disponibles gratuitement sur demande. Cela représente une grande opportunité car jusqu’ici les intervalles entre deux acquisitions étaient plus longs et les images étaient souvent payantes. Ma thèse coïncide parfaitement avec l’arrivée de ces satellites.

Mesure de subsidence (affaissement) à l’aplomb d’un réservoir de stockage de gaz naturel par interférométrie radar

Quels travaux avez-vous déjà effectués pendant cette première année de thèse ?
Une grande partie de mon travail a porté sur la centrale géothermique de Landau en Allemagne qui a connu un accident d’exploitation en 2013. L’objectif était de me former à l’InSAR, de caractériser spatialement et temporellement les déformations liées à l’accident et de simuler un traitement automatique avec détection de mouvements anormaux, à partir des données d’archive TerraSAR-X. Il s’agira ensuite d’appliquer ce suivi temps réel aux réservoirs d’ÉS Géothermie.
Le monde industriel a les yeux sur cet important volume de données généré par la constellation Sentinel-1 qui permet de suivre des réservoirs et d’autres types de chantiers.

Et quels sont ceux que vous allez mener au cours des deux prochaines années ?
Je vais consacrer les prochains mois à l’exploitation d’archives d’images radar appliquée aux réservoirs de stockage de gaz naturel appartenant à Storengy, et les données de positionnement GPS. Puis je traiterai les données radar Sentinel-1 pour l’ensemble des réservoirs ÉS-G et Storengy.
L’objectif suivant sera de faire cohabiter ces deux méthodes de positionnement et de comparer et valider les résultats. Dans un dernier temps, j’étudierai la gestion des flux de données (stockage, optimisation du volume de données pendant les traitements…) car le traitement InSAR demande beaucoup de mémoire.

Qu’est-ce qui vous plaît, vous motive dans ce sujet ?
Ces méthodes de positionnement et le travail au contact des industriels m’ont toujours plu. La constellation Sentinel-1 ouvre de grandes possibilités, nous n’en sommes qu’au début. C’est passionnant cette possibilité de suivi à distance avec des  systèmes d’acquisition situés à 20 000 km au-dessus de nos têtes pour le positionnement GPS, et 700 km pour l’imagerie radar, sans la nécessité d’une équipe en permanence sur le terrain. Me former à ces techniques pendant trois ans est une chance, que j’aimerais appliquer dans le monde industriel par la suite.