02 juillet 2020

Soutenance de thèse – Nolwenn Portier

Suivi par gravimétrie hybride et magnétotellurie de réservoirs géothermiques

Nolwenn Portier, doctorant LabEx, soutiendra sa thèse intitulé « Suivi par gravimétrie hybride et magnétotellurie de réservoirs géothermiques«  le 2 juillet 2020.

Abstract

 L’apport du suivi de l’évolution temporelle et spatiale d’un réservoir géothermique par méthode micro-gravimétrique et magnétotellurique est étudié dans cette thèse. Des mesures micro-gravimétriques ont été réalisées aux sites géothermiques stimulés de Soultz-sous-Forêts et Rittershoffen (France) ainsi qu’aux sites volcano-géothermiques de Krafla et Theistareykir (Islande). En complément, des mesures magnétotelluriques ont été réalisées sur le site géothermique de Theistareykir. En effet, des mesures gravimétriques répétées et/ou continues permettent de souligner la redistribution des masses et de quantifier la recharge du réservoir. Des acquisitions magnétotelluriques répétées et/ou continues, sensibles aux variations de résistivité apparente, aident à déterminer les chemins préférentiels empruntés par le fluide géothermique. 

Les réseaux des deux sites français comptent chacun 13 stations gravimétriques dont 3 leur sont communes, mesurées chaque été à partir de 2014 pour le site de Soultz-sous-Forêts et de 2015 pour celui de Rittershoffen jusqu’en 2019. Aucune variation gravimétrique significative n’est observée sur le site de Ritttershoffen tandis qu’un signal différentiel cohérent avec la position des puits d’injection et de production apparaît sur le site de Soultz-sous-Forêts suite à la reprise d’exploitation en 2016 après 3 ans d’arrêt pour produire 1,7 MWe. La variation maximale mesurée vaut 31 ± 6 μGal. Elle est obtenue en 2016 par rapport à 2014. Pourtant, les modélisations simplistes avec des sphères de Mogi et des cylindres montrent que les changements gravimétriques induits par ces exploitations géothermiques à 5 km de profondeur sont trop faibles pour être détectés avec un gravimètre relatif Scintrex CG5. Les variations observées sur le site de Soultz-sous-Forêts restent donc inexpliquées à ce jour. 

Le réseau gravimétrique du site de Krafla étudié en 2017 et 2018 compte 24 stations dont la plupart ont été mesurées antérieurement. L’exploitation du réservoir géothermique débuta en 1978 pour atteindre une production de 60 MWe en 1999. C’est donc l’évolution à long terme du réservoir (40 ans) qui est caractérisée. Une augmentation de gravité est observée en 2018 par rapport à 2017 sur l’ensemble du site. Une modélisation de l’effet d’une variation de masse contenue dans un cylindre montre que les masses produites et injectées sur le site géothermique de Krafla n’expliquent pas ces variations gravimétriques. Par contre, une intrusion magmatique le pourrait. L’arrivée de magma dans une chambre magmatique compresserait à la fois le magma initialement présent et la roche encaissante, augmentant alors la gravité en 2018 par rapport à 2017. Si le milieu est supposé visco-élastique, cette intrusion pourrait aussi provoquer une inflation uniquement visible à partir de 2018. C’est ce que montre le résultat de l’étude des déplacements verticaux par analyse InSAR : une inflation de 10 à 14 mm.an-1 apparaît entre 2018 et 2019 au sommet de la chambre magmatique à l’origine des feux de Krafla (1975-1984) après 40 ans de subsidence. De nouvelles mesures micro-gravimétriques associées à l’étude des déplacements verticaux devraient permettre d’affiner cette interprétation dans un avenir proche. 

27 stations gravimétriques furent mesurées en 2017, 2018 et 2019 sur le site géothermique de Theistareykir. Ces acquisitions encadrent le début de la production d’électricité (90 MWe) en automne 2017 et permettent donc d’étudier l’évolution à court terme du réservoir géothermique. Une diminution de gravité est visible dans la zone de production. Sa valeur minimale est -38 ± 11 μGal en 2019 par rapport à 2017. Il s’agit environ du double du changement observé à la même station en 2018 par rapport à 2017. Un modèle représentant les masses extraites par des sphères de Mogi placées à l’extrémité de chacun des puits explique la plupart des variations gravimétriques observées dans la zone de production. Ce modèle remet en cause la recharge du réservoir et donc, la durabilité de la centrale. Les mesures micro-gravimétriques peuvent aussi servir à calibrer le modèle TOUGH2 (”Transport Of Unsaturated Groundwater and Heat”) développé pour ce réservoir géothermique. 

9 stations magnétotelluriques furent mesurées en 2017, 2018 et 2019 sur le site géothermique de Theistareykir. La latitude du site étudié ne permit pas d’orienter parfaitement les sondes magnétiques et les dipôles électriques selon le nord magnétique. Une méthodologie est proposée dans cette thèse pour corriger l’orientation du dispositif instrumental : elle s’appuie sur la maximisation de la cohérence spectrale des acquisitions magnétiques du site d’étude avec celles de sa référence. Sur les 7 mesures comparables, les angles mesurés au gyrocompas ont une différence maximale de 3° avec les angles calculés. Une étude de la sensibilité des courbes de résistivité apparente et de phase à cette incertitude maximale sur l’orientation des sondes permet alors de définir un intervalle de confiance. 

Une forte augmentation de résistivité électrique sur la composante YX pour l’ensemble des périodes d’étude est visible à la station TH012b au sommet du volcan Baerjarfjall en 2018 par rapport à 2017. Par exemple, à la période de 0,4 s, la résistivité est multipliée par 5. Cette période correspond en 2018 à une profondeur de peau de 2 km qui est justement la profondeur moyenne des puits de production. En 2019, la courbe de résistivité apparente est similaire à celle obtenue en 2017. Cet accroissement ponctuel pourrait être dû à une augmentation de la phase vapeur du fluide géothermique au sein d’une faille d’orientation EO suite au début de la production d’électricité. Une telle faille est d’ailleurs connue sur le site. 

Malheureusement, les mesures magnétotelluriques continues ne permettent pas d’affiner cette interprétation. Leurs voies électriques sont bruitées et ne permettent pas de calculer les courbes de résistivité et de phase. Un travail approfondi sur le filtrage des données s’avère nécessaire. 

Une unique station gravimétrique, la station 120, se trouve au sommet du volcan Baerjarfjall sur le site de Theistareykir, près de la station magnétotellurique TH014b; aucune station gravimétrique n’est donc à proximité immédiate de la station magnétotellurique TH012b qui observe peut-être un effet de l’exploitation géothermique entre 2017 et 2018. Il n’est donc pas possible de confronter les résultats des deux méthodes. 

02 juillet 2020, 14h0018h00
Par visioconférence.